Vendredi matin, 6h00. Je débarque à Roissy de retour de déplacement, et n'ai pu dormir que 3h. Je regarde mes mails à la descente de l'avion... Et m$#%e! Le stage cross auquel je devais partir samedi matin est annulé à cause d'une tendance orageuse pour la semaine. Tant pis pour les Alpes du Sud, oubliés mes rêves de grands vols...
Plus tard dans la matinée, José annonce le bon potentiel de samedi. Effectivement la tendance ouest de samedi s'annonce pas mal du tout. Idéalement, je voudrais pouvoir prendre un peu de hauteur pour tester quelques descentes rapides avec ma nouvelle aile. Je lance un mail sur la liste du club. Sophie et Francis partiront sur Clécy a priori. C'est un peu loin, mais les conditions pourraient me permettre de suivre mon programme.
Samedi matin, c'est confirmé, ce sera Clécy !
Finalement seul Guillaume répond présent pour le covoiturage. RDV en gare d'Epône, et go !
Sur la route, déjà, nous discutons parapente. Je profite de ses tuyaux en ce qui concerne l'éléctronique embarquée. Il y a 3 jours, j'avais téléchargé un enregistreur de trace GPS sur mon téléphone pour débriefer les tentatives de cross prévues lors de mon stage annulé.
Nous arrivons sur le déco sud de Clécy vers 11H30. C'est l'affluence des grands jours: une trentaine de véhicules sur le parking, pas mal d'ailes en l'air qui semblent tenir facilement, et encore plus de pilotes en train de gonfler ou déplier derrière le déco. Nous saluons les copains présents. Sophie et Francis sont déjà là. Sophie me propose de partir en cross avec eux. C'est super tentant, mais ce serait une première pour moi. Si je parviens au nuage, je partirai à l'aventure.
Il faudra alors que je reste dans le groupe car je n'ai pas de GPS, et la TMA de Deauville 1 démarre à moins de 10km au nord du déco. Le vent de SO aura donc tendance à nous y pousser. Le plan de vol est une succession de transitions vers le SE et de dérives au NE dans les thermiques. Ceux qui parviendront à dépasser par l'est les TMA de Deauville pourront ensuite basculer au N et tenter de rallier la mer.
Décollage ! Ça monte très bien devant le déco, et je rejoins les nuages en moins de 20 minutes, où je retrouve Sophie, Francis, Guillaume et une poignée de pilotes que je ne reconnais pas. Tout va pour le mieux. Je ne pourrai pas résister à la tentation de partir. En attendant, je profite du paysage, magnifique de si haut.
Le signal du départ est lancé en radio. Un dernier petit tour au bout du nuage, et c'est parti ! Je suis parti rapidement derrière Francis, mais je ne peux suivre sa cadence. Si j'adopte sa vitesse, je descends trop vite. Son choix de nuage est le bon, et j'arrive dans son thermique à peu près en même temps que les pilotes qui étaient partis explorer un autre endroit. Je reste dans le groupe, incroyable! Cette première reprise de thermique me gonfle le moral à bloc. Je respire, je me décontracte, je chante...
La prochaine transition sera plus longue, et moins drôle. Je suis derrière, et je ne vois personne monter devant moi. Un groupe de pilotes posés dans un champ attend la récup. Ca ne sent franchement pas bon, je suis à 200m sol, et je ne pourrai plus rejoindre les autres s'ils trouvaient un ascenseur. Je suis livré à moi-même et le moral retombe d'un coup. C'est assez affreux. J'hésite à retrouver les pilotes au sol pour profiter de leur récup...
Bon, allez, on se ressaisit ! Je choisis de me diriger vers un champ bien jaune, entouré de vert. Sous son vent il y a une rangée d'arbres. La configuration est typique de celle décrite dans les livres. Mon Bip-bip coin-cointe : je zérote. Deux rapaces spiralent sous mes pieds, avec un peu de chance, ça va payer... Je commence à monter, d'abord doucement, puis de mieux en mieux, youhou ! Cerise sur le gâteau, Guillaume me rejoint, puis Francis, et 5 autres pilotes. Je ne suis plus seul, Hallelujah ! Retour au nuage.
Je repars le cœur vaillant. J'ai bien fait de ne pas abandonner. Ce sera le seul moment vraiment difficile du vol pour moi.
Nous repartons en un groupe compact, survolons un lac, une base de vol à voile, des éoliennes. Nous croisons des planeurs et des oiseaux qui spiralent sous les nuages (les bienheureux volatiles ne se soucient pas de la TMA, les inconscients !). C'est trop beau.
Après 3h de vol environ, c'est la cata : plus de nuage accueillant devant nous. Mes compagnons de vol accélèrent et transitent désormais plus vers le N que jusqu'alors. Avons-nous passé la deuxième TMA de Deauville ?
Moi je suis assez bas. Je dois me refaire avant de repartir. Je m'accroche et commence à remonter gentiment. Arrivé à mi-chemin du nuage, je regarde autour de moi en enroulant, et c'est la douche froide : je ne vois plus personne dans le ciel. Je me dis que je risque de pénétrer malgré moi dans l'espace de vol interdit, alors je décide de quitter le thermique pour reprendre un cap SE, dans l'espoir de profiter d'autres ascendances et poursuivre mon vol en solo vers l'E.
Mauvaise idée: je me retrouve très bas, seul au-dessus d'une forêt. Une clairière pourrait me permettre de me vacher, mais la route est loin. Je file face au vent vers les champs: ça va bien le faire! Je passe la cime des derniers arbres avec 50 m de marge maxi, ne parviens pas à remonter malgré la présence d'un pré bien cramé sur un versant exposé au vent dominant et au soleil, en bord de route et au vent des bois. Je me poserai là.
"Eric pour le thermique: posé en sécurité, bon vol les gars. C'était génial, merci !". Je suis super heureux de ce beau vol de 3h30, mais réalise que si j'avais pensé à utiliser cette radio pour poser la question de ma position par rapport à la TMA, je serais peut-être encore en l'air... Quel c@n!
J'arrête la trace GPS sur mon téléphone: 131km ? Ah, non, ça c'est la distance totale parcourue, 35 km en ligne droite du déco. Ca me parait pas cher payé, mais bon, dépasser les 50km à la première tentative aurait été inespéré... Ca fait 10km/h de moyenne, je me dis que j'ai dû sacrément ralentir les copains...
Dois-je avoir les boules ou la banane??
Comme j'ai laissé Les Boules derrière moi, je repars euphorique vers la voiture.
Le retour en stop à la voiture prendra 1h30 environ. Le quatrième automobiliste qui me prend à son bord, super sympa, a fait un énorme détour pour me déposer au déco, merci à lui!
Guillaume m'appelle. Il a pu réaliser plus de 90 km. Ca fait une sacrée accelération pour la deuxième partie de son vol, bravo!! On se donne RDV sur l'A13 vers laquelle il se dirige en stop. Je le retrouve à la terrasse d'un café de Louviers. Ce vol n'aura pas été son plus long, mais voler en groupe lui a visiblement beaucoup plu.
Retour à la maison, Sophie a posté un CR rapide, et m'incite à déclarer mon vol. Mais je ne parviens pas à exporter ma trace GPS au bon format pour le site de la CFD. Je découvre que je peux décider 2 points de contournement, ce qui porte ma distance déclarée à 42km. Je donne l'adresse de ma trace GPS afin de prouver au validateur que j'ai bien respecté les interdictions. Sympa à lui d'avoir pris du temps pour jongler entre la carte des espaces aériens, le site CFD et celui de ma trace pour me permettre d'ajouter 42.97 points au compteur du Thermique (trace cfd -sans la trace- et sur emacberry.com pour la trace).
Ce jour-là,
- Sophie réalise 96km,
- Francis valide 54.30pts (trace cfd ),
- Guillaume 92.50pts (trace cfd ),
- Roberto 102.36pts (trace cfd ),
- Le meilleur du jour sur ce site a fait 116.39pts (trace cfd ).
J'ai encore du boulot avant de prétendre rivaliser, mais je serais ravi de retourner jouer avec eux à la prochaine opportunité !
En attendant, je plane toujours du souvenir de ce vol merveilleux...