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Récit d'Olivier

C'est reparti, paré pour mon deuxième SIV. J'ai des souvenirs de vols tendus, d'avoir les flubes avant chaque décollage, le réel soulagement n'intervenant qu'à l'ultime atterrissage. Ça s'était bien passé finalement, je n'avais pas « fini le programme », mais j'avais incontestablement passé un cap, et d'ailleurs a-t-on jamais vraiment fini le programme ? Depuis cette première expérience, je vole avec ma ventrale desserrée. J'ai souvenir des quelques incidents de vol au sortir desquels je m'étais demandé : « Tiens, est-ce grâce à ce SIV ou à ma voile qui pardonne que je m'en suis si bien tiré ? Ou à mes heures de vol tout simplement ? » Va placer le curseur… En tous cas c'est reparti pour un tour.  

Samedi

L'ordre de passage me désigne premier. Ça me va bien, pas le temps de gamberger à regarder les copains se foutre la tête à l'envers en se demandant quand ça va être notre tour. 

C'est reparti pour les exercices classiques qu'Hervé nous fait reprendre dans l'ordre, tangage avec stop de l'abattée, fermetures asymétriques gardées successivement sur cap, 1/4, 1/2 et 1 tour complet, avant le contre. Et la dernière, l'autorotation, où l'on attend suffisamment longtemps pour s'installer dans une rotation où la voile avance et le pilote recule. 

C'est la partie la plus pénible, parce qu'il faut maintenir ces fermetures avec les doigts, sous une voile saine qui ne demande qu'à réouvrir, ça découpe les chairs à travers les gants sur environ un demi-centimètre de profondeur. Enfin de largeur plutôt. Enfin j'avais un bobo quoi, mais j'ai même pas pleuré. Mais ça vaut le coup de se mettre des sparadraps et autres sur le tranchant de la main ou les phalanges, juste par confort. Certains l'ont fait. 

Dimanche

Je n'ai pas bien dormi.

Troisième vol, la météo fraîche au sol devient franchement froide à 800m. Je suis tracté au dessus des cumulus de ce matin, le soleil dans le dos. Je vois un arc-en-ciel se refermer en un cercle-en-ciel complet. On appelle cela un spectre de Brocken. Pour que ce soit un vrai, validé par les instances, avec du poil aux pattes, il parait qu'il fallait que mon ombre soit au beau milieu. J'ai pas fait gaffe à ce qui m’apparaît comme un détail, c'était un moment fugitif et merveilleux. 

Ensuite je lance l'exercice qui m'avait tant coûté la 1ère fois, le tangage jusqu'à provoquer la fermeture frontale. Je m'en suis excellemment sorti. Aucune appréhension mentale, comme quoi on progresse. J'envoie un beau vrac qui part de travers et que je récupère en un 1/2 tour avec contre quasi-immédiat. Je suis très content de ma petite personne. 

Olivier avant sa fermeture frontale

Puis des 360 sortie-chandelle, qu'il m'a fallu ré-apprivoiser, avant de réussir à piloter la ressource et même être capable de sortir sur un axe prédéfini. J'avais décidé d'anticiper mon contre en prévision d'un retard entre la pensée et l'action. Hé bien, de retard il n'y a pas eu. Ce qui fait que je suis sorti AVANT l'axe que j'avais parfaitement repéré. Je suis très content de ma petite personne.

Le soir après séchage du matos et du bonhomme, le débriefing du plouf de Fred, sous les yeux de sa femme (au passage, merci pour tout Caroline) nous emmène un peu tard. Cela nous a permis d'apprendre vidéo à l'appui qu'un parachute s'ouvre par dépression sur l'extrados, et PAS DU TOUT par le bord d'attaque. Avec tout ça on n'a pas bouffé. Je suis complètement nase mais je me force à prendre le temps de manger parce que demain est un autre jour, soit, mais un jour de SIV tout de même, et il faut faire du carburant. 

Lundi

Je n'ai pas bien dormi du tout. Au petit déj, je me sens flagada, je suis rincé. Je préviens Hervé au décollage que je suis limite au niveau physique et par conséquent que mentalement, j'ai pas les crocs non plus, juste pour qu'il le sache.

Ce matin, c'est décrochage. J'ai bien intégré les étapes les briefings entendus et réentendus ces jours-ci. Ça ne me pose pas de problèmes particuliers a priori. J'en enchaine trois, guidé à la radio, téléguidé même devrais-je dire, j'ai le regard morne, fixé sur l'horizon et une araignée au plafond. Vers la fin  je me rappelle que je suis censé regarder ma voile. C'est pas grave, j'ai identifié la bascule, la position des mains sur la sellette, le vol arrière, la porte de sortie. « Génial », me pommade l'Hervé comme ce n'est pas son habitude, « tu viens d'en faire trois parfaitement, maintenant, tu peux le faire tout seul je te regarde. » Bon ben, j'ai beau me sentir tout mou, j'y retourne une dernière fois.  

D'abord je ne suis pas symétrique, j'ai beaucoup plus enfoncé à gauche qu'à droite, alors je relève la main pour être au même niveau. Un peu trop peut-être ? La voile part en vrille à plat, sur la droite. Et moi là dessous je suis tout surpris que ça ne se passe pas calmement, tiens d'ailleurs on voit à la vidéo que mes jambes font le ventilateur ; comme personne ne me l'a précisé à la radio, je ne les ai pas repliées, et elle font un beau bras de levier. Lorsque j'ai relevé les mains, la voile s'est arrêtée, elle s'est mise à plonger droit devant, avec la petite cravate qui va bien à gauche, et donc elle engage en 360 à gauche, pendant ce temps que moi je termine mon tour sur la droite sous l'inertie de mes jambes, vous avez suivi ? Moi non, plus je vous rassure, c'est du retour vidéo que je vous donne là. 

Je suis twisté, cravaté, et je suis parti en 360. C'est bien un SIV ici ? Que demande le peuple ? Je me dis que cette fois, ça pourrait bien être la bonne, enfin, la mauvaise. J'entends en radio « Contre à gauche ! » je ne comprends rien mais je le fais comme je peux, tiens, je me détwiste, je me retrouve en 360, et ça c'est une configuration connue, ressource, je temporise l'abattée à la va comme je te pousse. La cravate n'est plus là, je suis en vol droit, il me reste du gaz, l'eau est loin, et je suis en finesse de l'atterro. 

Ça n'a duré qu'entre 15 et 20 secondes et 3 tours d'après la vidéo, mais il ne faut jamais faire confiance aveuglément à la technique, c'était beaucoup plus long que ça. Hervé me propose de revoler, mais non merci. Je suis content, j'ai progressé, j'ai grillé un joker, et à présent, je garde ma paire de 7 dans la poche et je me couche. Je vais filmer les copains, tiens, leur étendre le bord d'attaque, me rendre utile, ça c'est dans mes cordes pour aujourd'hui. 

Conclusion

On s'est bien donné pendant trois jours, j'ai le sentiment d'avoir techniquement progressé et consolidé des acquis, et mentalement, j'étais content de constater que j'avais laissé pas mal d'appréhensions derrière moi, loin là-bas, dans le passé. Je n'étais jamais sorti d'un 360 en chandelle sur axe, je n'avais jamais fait de décrochages, je n'avais jamais été twisté, je n'avais jamais volé si fatigué. Courbaturé de partout, j'ai mis deux jours à m'en remettre. Deux c'est aussi le nombre de ploufs du stage, on peut le dire à ce stade de l'article, le chiffre est ébruité…   

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