Saint-André-Dormillouse - 56 km

Pour les jeunes du club : méfiez-vous des "vieux" (ter)...     ;-D

Nous ne volons pas beaucoup depuis que nous sommes arrivés il y a une semaine, après avoir fui les alpes du nord, gavés de pluies cette année.

En effet, les conditions, après la période de vents forts, sont redevenues "habituelles" pour la région...

Que dire de Saint-André ? Entre le moment où l'école envoie ses élèves (ça ne tient pas ou si peu), et c'est trop fort (faut vraiment choisir son moment pour décoller), il s'écoule souvent à peine 1/4 heure... !
Et ensuite, je n'aime pas trop les conditions avant qu'une aérologie correcte, exploitable, se mette en place... Pendant une bonne heure, on peine à monter en se faisant booster, dans un mélange de brise et de thermiques déjà puissants mais étroits et turbulents.
Brefs, mes souvenirs d"il y a deux ans (put... 2 ans ! ;-) sont intacts... Décidément, je ne vole pas avec un plaisir serein ici...

D'aiilleurs hier, Marco s'extrait et part.. il ira jusqu'au Cheval Blanc, et voyant les tas que font quelques "fusibles" y compris en delta, se ravisera et reviendra.
Pendant ce temps-là, je n'arrive pas à passer les antennes... comme d'habituu.. ude... Pfff... à peine 2 bornes... :-(
Et je fais un tas magistral, au fond de la vallée, cette fois...! Un sympathique retour en stop me consolera.

Ce mercredi donc, on est au déco sud, une fois n'est pas coutume. Pas grand chose à se mettre sous la dent, les élèves emmagasinent de "l'expérience"...
Quelques prémices d'agitation de la masse d'air, on se prépare sans grande conviction... Tiens, les élèves suivent un cador qui va à droite; ça commence à tenir par moments.

Vite, en l'air pour certains, je n'y crois pas... je temporise. Mal m'en prend, ils réapparaissent en ouest... Allez, feu...!

J'ai déjà dix minutes de retard sur la troupe, et certains montent déjà comme des balles. Je rejoins difficilement Marco, le dépasse...A ma grande surprise, il nous fait un coup de calcaire et semble ne plus y arriver. Il faut dire qu'on est quelques-uns à "bien sentir" le point dur... un thermique difficile à suivre... J'essaye de deviner par où il peut bien passer pour rejoindre les autres 200 m au-dessus... Je m'applique et, lentement, arrive à m'extraire. Tortureux le mec...! Curieux, d'autres y arrivent par 100 m en arrière aussi. Marco quant à lui, résiste...

Les lièvres sont déjà partis, je ne suis qu'à 1900 m. Nouveau point dur... tant pis, j'en trouverais bien en route. Effectivement, au bout de la première crête, un velu me propulse à 2400 m ! Bon, ben aujourd'hui, au moins je passerai les antennes, me dis-je... ;O)

Je les passe, mais bon, pas trop de gras... Après, pour moi, c'est l'inconnu, jamais parti de ce côté...! Sur les crêtes devant, pas grand monde et déjà si loin...! Bon Dom, faut accélérer la manoeuvre me dis-je, sinon, tintin pour trouver les passages tout seul...
En effet, j'ai eu beau décortiquer les cartes en tous sens, pas très causant tout ça... quand tu t'y es jamais promené en "reconnaissances"...
Puis, maintenant que j'y suis, je ne me rappelle plus du peu que je croyais avoir compris... Bref, je ne "reconnais" rien...!
Qu'importe, j'aime par-dessus tout cette ambiance de partir en cross en montagne, à la découverte de nouveaux horizons... même si je suis plutôt du genre à pas me lancer à l'aveuglette... allez comprendre... Bref, il faut que j'aie un peu étudié la question et que sur le terrain je "le sente"...
Je repense toujours un peu à cette problématique en vol sur un itinéraire inconnu.

Bref, la première difficulté s'annonce : je suis à peine à la hauteur de la 2ème crête, ayant tracé pour recoller au peloton... et une jolie transition se présente pour rejoindre la pente sud du Cheval Blanc.. Y a pas à tergiverser, faut faire le plein avant !
Facile à dire, cette crête est à peine à 1100 m, et ça tient à peine... Un parapente enroule faiblement 400 m au-dessus... Bonjour l'ambiance.
Je balaye toute la crête, trouve un pet de mouche et m'y accroche...
Je gagne lentement et péniblement 500 m et vois mon prédécesseur enrouler en plaine... comme un fou... J'analyse la situation : là où il est ça ne peut pas provenir de "ma" crête...!

Taiaut...! Je pense que, raisonnablement, je dois pouvoir le trouver ce velu-là... c'est pas trop quitte ou double, j'ai 1500 m avant le fond de la vallée... et puis, on est pas encore très loin de Saint-André... d'ailleurs, cette vallée y ramène direct... ;-)
Je tombe dessus sans trop de peine... et monte comme une balle... je suis chaud maintenant. Ca coupe, je le quitte sans hésiter vers 2400 m, et je rejoins la pente sud du Cheval Blanc.
Encore une fois (j'avais pas bien apprécié les distances), j'arrive bas, et je passe près du tas... Une tentative dans une combe, faibles thermiques qui se coupent... je suis trop bas et par conséquent mal placé pour bien les exploiter, un peu sous le vent par moments... Essai sur la crête sud : ça monte à cheval... je me crois sorti d'affaire quand ça recoupe... Retour à la combe...
Je passe un bon moment là-dessus et finis en m'accrochant à passer par la combe, puis la crête, puis à cheval... en combinant les deux, j'arrive près du sommet... ouf ! Belle bagarre...
Un parapente, puis deux passeront par la crête sans soucis apparent... grrr...

Pendant que je prend un max au voisinage du sommet, je les observe passer à radada des pentes sommitales, et de la dernière crête et se faire un peu bousculer... tu m'étonnes...! Très peu pour moi, merci.
Mais bien que parti de plus haut, je perds pas mal, je passe 100 m plus haut et me fais bousculer un peu aussi...

S'offre maintenant à nous trois une petite combe suspendue munie d'un thermqiue étroit... Bon, mes collègues sont cools, ils me laissent rapidement la place... ;-)
Un planeur enroule sur la pointe au vent à 500 m, un parapente au dessus, et un de mes 2 lascars y va tout droit. Mauvais plan me dis-je, il va arriver sous le vent ! Ca ne rate pas... heureusement sa voile lui pardonne et il se jette sur la vallée derrière nous, où est déjà parti l'autre.
Je temporise pour observer, me maintenant péniblement sur cette pointe. Pas terrible, va bien falloir se décider.

Les espaces sont grands, ou bien y a de la brume, ou alors ma vue baisse beaucoup plus qu'il n'y paraît, mais je ne vois plus les parapentes qui me précèdent..! Je vois une vallée perpendicualire à ce qu'on a eu jusqu'ici, pas très basse par rapport à moi, et ça ne passera pas comme ça.

Bon, n'ayant rien à glaner de bien ici, je me relance en transition. Ca dégueule fort derrière, aussi j'accélere pour me barrer de là au plus vite... vario à -6 m/s. Dès que ca va mieux, je relève le pied, en gardant un poil d'accélérateur, je me règle vers - 1,7-2 m/s.
Ce faisant, je raccroche bien bas dans cette fameuse vallée, où sont donc passés mes 2 lascars ? Oulaaa, déjà sortis là-haut dis-je en levant la tête !
Eh bien pour moi, ca va taper tellement bas que je commence par repérer la vache, juste après, quand même avoir repéré où raccrocher...
Bon, dans quel ordre je m'y prends ? Vache d'abord ou je tente le bas de la falaise avant ?
C'est vous dire quel moral il a le Dom à ce moment-là... ! Tout ça en se rappelant vaguement qu'une vache dans ce coin, bonjour la galère...!
Le vague sentier sinuant me le rappelle opportunément. Forêt, pâtures, sentier, point. Pas de maison aussi loin que ma vue porte, pas un troquet, pas une mob, le désert quoi...

J'ai dû taper le point le plus bas du jour sur cette falaise. A son pied, c'est timide, mais je sens que ça va pas tarder à le faire... On ne sait pas à quoi ça tient, mais c'est comme ça, ça se sent... C'est cette sensation-là qu'on éduque en allant à chaque fois un peu plus loin...

Bingo, après 100 m difficiles, je m'extrais à grande vitesse de cette foutue vallée. Tiens, je me venge : pendant que les copains (rattrapés au passage) se jettent sur la transition suivante dès 2200 m, je me paie le luxe, ayant vu un bon nuage arriver, d'enrouler jusqu'à lui.
Comme il est un peu gris foncé pour mon goût, je surveille attentivement le vario et je vise son coté sous le vent qui est aussi le côté où je dois aller. Pas de problème, le vario ne dépasse pas +3+4 m/s, nuage : 2800 m.

Cette position me permet d'envisager la suite avec un peu plus de sérénité... ;-)
Justement, cette suite, quelle est-elle ?

Vu d'ici, à part les énormes combes au premier plan, c'est un parcours de crêtes de haute montagne qui s'annonce jusqu'à Dormillouse. Le genre crête à planeurs, d'ailleurs ils sont là...
Bien qu'à mi-parcours environ, Je me dis in petto qu'avec les conditions ambiantes, qui se sont bien renforcées avec ces gros nuages sur les pointes, c'est maintenant gagné, malgré le vent d'ouest sensible (travers), sauf grosse faute.

Aussi, je ne vais pas perdre de temps à longer les crêtes et passer par les sommets, comme je vois certains. Je sens que ça porte largement à cette altitude, et vise donc la pointe suivante, en coupant la quasi vallée à mes pieds. Et ça marche. Pareil pour les deux suivantes.
Ce faisant, je double pas mal de monde, et je ne croise pas la route des planeurs qui "surfent"... ;-)

En réalité, j'ai un autre problème qui me turlupine... après plus de 3 h de vol, j'ai une atroce envie de pisser qui commence à me tarauder, et je suis pressé d'en finir...

La suite est simple, c'est la longue crête (10 km) de La Blanche, sommet Dormillouse, qui s'incurve vers la droite, avec au bout le fort.
Là, je connais, j'en ai déjà fait l'ascension depuis Saint-Vincent les Forts.

Donc, je fonce. Je suis placé à l'altitude et à 3-400 m au vent de la crête... Je suis partagé entre l'envie (le besoin) de me poser pour assouvir, et celui d'engranger des bornes.
Des copains ont fait un posé à La Seyne, que je vois tout près. Mais je vois tout le chemin supplémentaire jusqu'au lac de Serre-Ponçon...
C'est très différent en distance, à vue de nez...!
Cruel dilemme...

Je continue, en me tortillant comme un ver dans ma sellette... Que n'ai pas encore acheté ce fameux Penilex... ! ,O)
Ce n'est pas la première fois que je mouillerai la combi...

Arrivé trop haut sur la fin, approche en 3-6 un peu olé dans la "brise de lac" de St-Vincent les Forts.
Je m'aperçois assez tard (put... de vue) que ça ne posera pas au déco...
Direction l'atterro de secours du camping haut...

Pas de chance, la brise est trop forte... Fatigué, j'insiste lourdement -accélérateur, ça ne va pas passer ça, Domi...
Mais comme je suis bien entamé, et bien peu lucide, lorsque je renonce, tabassé sous le vent des arbres sur la crête (manquait pas lourd, la vache), c'est déjà très tard pour l'atterro de secours du camping au bord de lac...

Une courte branche vent de travers me montre que je n'irai même pas au ponton... ouille... problème urgent...!!!
Dans ma tête, tous les voyants sont au rouge, la sirène hurle... mais c'est bien tard.

Il me reste seulement 2 petites plagettes entre 2 bras de lac... avec des arbres en bordure... ambiance...

Pas le choix, faut y aller, appliques-toi...!
J'aligne le bord du lac... la brise tombe, trop long...
Je ralentis... brisette sous le vent des arbres... je dérive au dessus de l'eau... et rate largement la 1e plagette...
J'accélere... brisette travers, trop court...

Enfin, à force d'ajustements rapides, la finale s'annonce trop courte, je vais rater la 2e plagette... ça sent la baignade...
J'accélere une dernière fois désespérément et je l'atteins du bout du pied...
Je ne sais comment, mais je me jette en avant dans un coup de rein en tirant comme un fou sur les avants, pour sauver la voile du bain...

Bilan :
- bord de fuite à peine humide
- c'est super cool de p... tout son saoûl (4 mn chrono...! ;-)
- Je ne regrette pas d'avoir poussé au bout... du lac..! Lol
- 4h de vol quand on se bat beaucoup, gare à la lucidité... Je le savais déjà, mais ça a failli me coûter cette fois...
A mon problème de fatigue se surajoutait une préoccupation obsédante... le tout fait un coktail vraiment dangereux...
- Je vais quand même terminer par la récompense : 56 km, et un vol mythique !
C'est pas que c'est très dur... enfin, comme toujours, quand les conditions sont là, ça doit même se faire facile... ;-)))))

Il y a bien 2 ou 3 "jolis" points durs, mais quelle beauté ce parcours...!
Je le referais volontiers...

Dominique
( 48 ans... depuis 1 mois... ;-)

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